Le coût du CPF serait-il trop élevé pour l’État ? Avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, France Compétences est devenue l’instance en charge du financement du CPF (entre autres). Il semblerait cependant que cet organisme n’ait pas réussi à faire face à l’engouement des Français pour la formation professionnelle. Entre le succès des contrats en alternance chez les jeunes, et celui du Compte Personnel de Formation chez les actifs, le déficit de France Compétences s’élèverait à 5,9 milliards d’euros en 2022. Face à ce constat, le Sénat étrille le recours au CPF à l’initiative des bénéficiaires.

Un nombre d’entrées en formation qui double chaque année

France Compétences fait face à « une crise de croissance ». C’est ainsi que le Sénat analyse le déficit de cet organisme dans une synthèse publiée le 29 juin 2022. Si l’alternance est de plus en plus plébiscitée par les jeunes, le CPF connaît un certain succès auprès des actifs.

Alors que l’on dénombrait 517 000 entrées en formation en 2019, ce chiffre s’élevait à 984 000 en 2020. Le bilan 2021 du CPF est encore plus impressionnant : 2 millions de formations financées via ce dispositif ! Avec un nombre de recours qui double chaque année, il n’est pas surprenant que cela entraîne un déficit pour France Compétences. Rappelons que son rôle est de financer et de réguler le système de formation professionnelle. 

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Dans son rapport, le Sénat évoque plusieurs raisons pour expliquer cet engouement :

  • désintermédiation du dispositif : les bénéficiaires ont désormais la main sur le choix et l’inscription aux actions de formation ;
  • alimentation des comptes en euros pour les salariés du privé ;
  • simplification de l’éligibilité des formations.

Un déficit structurel difficile à juguler

Toutefois, le succès du CPF ne serait pas la seule explication aux problèmes de budget rencontrés par France Compétence. Le déficit s’élevait déjà à 3,2 milliards d’euros l’an passé, et à 4,6 milliards d’euros en 2020.

Les sénateurs notent également que les leviers dont dispose l’organisme pour contenir ce déficit sont insuffisants. Concernant le CPF par exemple, France Compétences ne peut que s’appuyer sur le renouvellement de l’enregistrement des certifications professionnelles. Malheureusement, les 2,75 milliards d’euros de dotation exceptionnelle alloués par l’État en 2021 n’ont pas permis d’améliorer la situation. Celle-ci est d’ailleurs aggravée par un emprunt bancaire conséquent dont les intérêts sont estimés à 5 millions d’euros en 2022.

Face à ces circonstances difficiles, le Sénat envisage plusieurs solutions. Certaines d’entre elles pourraient avoir un impact direct sur le Compte Personnel de Formation tel que nous le connaissons actuellement. 

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Le choix libre des formations qui aggraverait le coût du CPF

Dans leur synthèse, les sénateurs dénoncent un « recours au CPF de moins en moins porté sur les formations répondant aux besoins de compétences des entreprises ». En clair, le fait que les bénéficiaires choisissent leurs actions de formation en fonction de leurs envies, et non par rapport au marché du travail, semble problématique.

Seule une petite partie des entrées en formation concernent les certifications et diplômes inscrits au RNCP (Répertoire National des Compétences Professionnelles). La grande majorité des utilisateurs du CPF s’oriente plutôt vers des compétences transverses inscrites au RS (Répertoire Spécifique). Il s’agit par exemple des formations linguistiques ou encore du permis de conduire, largement plébiscités ces dernières années.

Les formations inscrites au RS bientôt payantes pour les utilisateurs du CPF ?

Ainsi le Sénat suggère-t-il de mettre en place des outils de régulation. Le but ? Réorienter les demandes de formation vers des compétences métiers et réduire le coût du CPF. Il serait par exemple question de mettre en place un reste à charge pour toute inscription à une formation en langue étrangère. L’objectif évoqué par les sénateurs serait de « responsabiliser les bénéficiaires ». Ils souhaitent notamment recentrer le dispositif « sur des enjeux d’employabilité et de parcours professionnel. »

➡️ Cette idée du CPF payant avait déjà été évoquée par le passé, nous en parlions d’ailleurs dans notre article « Faudra-t-il bientôt payer pour utiliser son CPF ? »

On peut toutefois s’interroger sur la pertinence d’une telle mesure, qui pourrait décourager les actifs à se former aux langues étrangères. Lorsque l’on sait que 23 % des Français sont déjà passés à côté d’une opportunité d’emploi à cause d’un niveau d’anglais insuffisant, freiner l’accès aux formations linguistiques pourrait avoir des effets négatifs sur l’employabilité de nombreux actifs !

Rappelons aussi que les entreprises comptant dans leurs effectifs des collaborateurs multilingues sont généralement plus performantes, et génèrent donc un meilleur chiffre d’affaires. À titre d’exemple, les structures dont 10 % de la masse salariale est formée à l’anglais (niveau B2) voient leur CA augmenter de 1,53 % (source Asterès, 2021). Les formations en langues étrangères sont essentielles pour les salariés, comme pour leur entreprise !

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